Drive Blind

A l'instar d'un célèbre groupe qui ouvrait ses premiers concerts

par "Bonjour, on s'appelle Les T., on vient d'Angers",
Rémi, Pierre, Karine et Nicolas s'annonçaient sourire aux lèvres
par "On s'appelle Drive Blind, on fait du heavy metal " !
Fort de cette plaisanterie qui signifiait au minimum que ça allait faire du bruit,
Drive Blind gardait sur scène une aisance désarmante doublée
d'une bonne humeur sans limite. La photo de Karine date de mars 95
à l'Elysée Montmartre lors d'un festival Rock Sound (le seul ?)
qui réunissait Phobimaniacs, Lofofora et Burning Heads.

Né à Nîmes dans le terreau de l'activisme rock (fanzine, radioŠ),
Drive Blind (première mouture) sort alors son premier 45t en octobre 91
sur le label Black & Noir. Biberonnés à une multitude de courants musicaux :
rock-garage, noisy-pop, grunge-punk, harcore-noise, le groupe a déjà
tout ingéré avant de prendre la route aveuglément. Leur conduite, irréprochable,
les amène à sortir en un an (93/94) trois albums sur trois labels représentatifs
de la scène indé française : Pandémonium (Stop Thinking Start Fighting),
Black & Noir (Super easy) et Vicious Circle (Tropical Motion Fever) !
Des choix au coup de c¦ur, avant tout basés sur les rencontres.
Avec des producteurs qui les feront avancer : Kent Steedman l'australien
des Célibates Riffle, et Ian Burgess, l'anglais maître du hardcore de Chicago
devenu gentleman-ciseleur en Anjou. Le groupe enchaîne alors dates, interviews,
participation à des compilations (Enragez-vous, Pandémonium, Never Get Plugged,
Collection Teen), split-single (avec Garlic Frog Diet, Skippies), obtient le Fair 94,
et même une Black-Session chez Lenoir !

En 94 également, un changement de section rythmique intervient
juste après "Tropical..." avec l'arrivée de Nicolas et de Karine
(tous deux déjà dans Tantrum, groupe parallèle monté par Pierre !).
Karine doit lâcher sa place (à Patou pas encore Rhinocérôse) dans Moonstruck,
trio noisy féminin. En 95, libéré de ses influences (Sonic Youth, Dinosaur Jr, Helmet...),
le nouveau Drive Blind, qui compte désormais trois chanteurs et trois compositeurs
potentiels (Pierre, Rémi et Karine) ne cesse de livrer de nouveaux morceaux sur scène,
délaissant même le tubesque "Come down". Chacun interprète ses paroles.
Karine a trouvé ses marques, elle chante et bondi, Nicolas apporte un jeu de batterie
puissant d'ex métaleux, Rémi fait l'andouille ainsi que des guitares tordues,
et Pierre étonne par le peu de limites qu'il impose à sa voix.

Leur musique est tout en contraste, entre puissance et légèreté,
entre force et émotion, entre bruit et silence. Tripale et cérébrale.

Leurs concerts laissent chancelant ! En janvier 96 ils rentrent en studio
avec David Weber, le magicien des Forces Motrices (à Genève),
celui dont ils ont apprécié le travail avec Condense, Kill The Thrill ou les Young Gods.
Ils en sortent avec Be a vegetable (A Donf/Pias), 12 titres qui les propulsent au tout premier rang
de la scène rock française et internationale. A coté Tropical...
ressemble à un exercice de style, et Super easy à une première copie !

Une évolution dont la maturité explose dans ces 50 mn de fureur jouissive.

Une cohésion impressionnante, une production très noise,
des guitares à toutes les sauces, une rythmique bien plus que présente
et des vocaux en totale osmose. Si on pense aux Babes in Toyland,
quand Karine chante (seule), aux Melvins,
quand Nicolas frappe (dur),
on pense avant tout à Drive Blind avec un bonheur jusqu'aux oreilles.

Mais le groupe splite sur un coup de tête pour des raisons internes,
juste pendant la sortie du disque. Un joli gâchis.

Ils assurent malgré tout la tournée qui s'interrompra fatalement en route,
annulant au passage une date aux Eurockéennes.
Rémy et Karine poursuivent leur chemin, ébauchant divers projets non aboutis.
On retrouvera la guitare acide de Rémy sur divers productions
de Montpellier (Raygun, Natyot... ) avant qu'il intègre le backing band
du duo Rhinocérôse, co-signant au passage le single le Mobilier.
Pierre et Nicolas s'investiront à fond sur le second Tantrum Twisted in anguish
(Vicious Circle) avec Jean-Mi de Beamptrap à la basse.
Un album surpuissant, condensé de colère, à la limite du métal,
très marqué par les vocaux de Pierre vrillés entre rage pure et fêlure totale.
Comme un exorcisme à la fin prématurée du groupe ?
On attend la suite pour bientôt. Reste que Be a vegetable
est un disque monumental, à ne pas oublier si vite, et Drive Blind
un grand groupe imprégné du son de son époque, un (ultime ?)
retour d'un rock d'obédience anglo-saxonne, entre revival sonique
et dissidence pop, une lignée toujours en marche ici, quoique trop underground,
évoluant avec talent grâce à des Portobello Bones et autres bruyants combos du genre.

Max Well .................................................................................................................................